dimanche 7 décembre 2008

Un génie oublié Clément DEMANGIN

Clément Cyriaque DEMANGIN
un des plus grands géniesBourguignon




Nous savons peu de choses sur la vie de Demangin, il n’a laissé aucune lettre ou relation de voyage.
On trouve sa biographie la plus complète dans le travail de Julien Crepet, plusieurs centaines de pages rédigées en 1902 sur Gigny.
Fils d’Antoine le vieux et de Pierrette Groz, Clément Cyriaque Demangin naît à Gigny-sur-Saône en 1570 sous Charles IX. Il étudie les langues anciennes : hébreu, latin et grec de la manière la plus brillante au collège de Chalon sur Saône. Ses études terminées, Demangin est quelque temps précepteur du Seigneur de Serville, futur juge des affaires criminelles de Chalon, puis il part pour Paris où il s’adonne aux sciences mathématiques, à la philosophie et la théologie. Ensuite il court une bonne partie de l’Europe. Entre ses nombreux voyages, Demangin se rend régulièrement dans son village natal. Sa présence est constatée par des actes de baptême où il apparaît en tant que parrain en 1601, 1603, 1605, 1620 et 1625. Il s’installe finalement à Paris et enseigne les mathématiques au collège de Bourgogne. Il y meurt le 26 octobre 1642 à l’âge de 72 ans…un mois avant Richelieu.
Nous pouvons remercier Julien Crepet, et Jules Labbé maire de Gigny d’avoir, en 1902, réparé une injustice en ressuscitant la mémoire de Clément Demangin.
La plaque apposée sur la chapelle mentionne que Demangin était Linguiste et Mathématicien. Son esprit curieux et son intelligence lui permirent d’être beaucoup plus que cela, comme je me propose de vous le faire découvrir.





Incertitudes et erreurs écrites sur Demangin
Sur internet on peut glaner beaucoup de renseignements et quelques erreurs sur Demangin. Accrochez-vous, c’est un vrai roman! Demangin aimait les mystères


Sous les pseudonymes de Pierre Hérigone et Denis Henrion, on le dit baron, né dans le pays basque en 1580 (site wikipédia). Des contemporains de Demangin, comme le mathématicien Hardy ou l’écrivain chalonais Perry, soutiennent que ces trois personnages forment une seule et même personne car ils reconnaissent sans hésiter la plume de Demangin dans leurs écrits. Pour ce qui est de Hérigone le doute n’est pas permis, Hérigone est bien Demangin. Quant à Denis Henrion, une preuve irréfutable confirme que Demangin et Henrion sont deux personnes distinctes. En effet, en 1632 la veuve d’Henrion publie la dernière mouture de feu son mari sur les 15 livres d’Euclide. A la dernière page du livre il est dit qu’il est interdit d’en extraire quelque chose sous peine d’amende. Or deux ans après, en 1634, Hérigone publie le tome I des Cours mathématiques qui sont les 15 livres d’Euclide.
La grande majorité des figures est rigoureusement identique aux figures publiées par la veuve d’Henrion. C’est bien la preuve qu’Hérigone est l’auteur des oeuvres d’Henrion sinon il n’aurait pas obtenu le privilège du roi pour être édité.
Cependant un mystère persiste, quelles étaient les relations entre Demangin et Henrion? Y avait-il un arrangement entre eux, parce que l’un était trop pauvre ou pas assez connu pour écrire et publier sous son propre nom? Ou Demangin était-il simplement le “nègre” d’Henrion? Il faut signaler que c’est seulement après la mort d’Henrion que Demangin écrit sous le pseudonyme de Pierre Hérigone.

Demangin et le Cardinal Du Perron
A Paris, Demangin rencontre un homme qui va, pendant toute son existence, l’aider et le soutenir dans son périple de savant, c'est Jacques Du Perron. Voici un résumé de la vie de ce personnage hors du commun:
Né à Saint-Lô en 1556 d'un père médecin et ministre de confession calviniste, il passe son enfance en Suisse pour échapper à la persécution. Très grand érudit et d'une mémoire phénoménale, d'après ses contemporains, il connaît parfaitement comme Demangin, le grec le latin et l' hébreu. Poète, ami de Ronsard, il écrit des poèmes érotiques et baroques. Il est aussi féru de mathématiques.
Rentré en France, il abjure le calvinisme et devient le lecteur d'Henri III. Après avoir prononcé l'oraison funèbre de son ami Ronsard, il entre dans les ordres. A la mort d'Henri III, il instruit Henri IV dans la religion catholique et reçoit sa conversion. Nommé par celui-ci évêque, il part à Rome en 1594 comme diplomate pour solliciter du Pape Clément VIII la levée de l'interdit qui pesait sur la France, Henri IV étant devenu catholique. Après la mort du Pape en 1604, il est renvoyé à Rome comme chargé d'affaires de la France et il contribue, grâce à son éloquence, à l'élection du Pape Léon XI mais celui-ci meurt 24 jours après son élection (encore plus vite que Jean-Paul Ier en 1978). Du Perron remet ses talents en action et c'est Paul V qui est élu Pape. Deux ans plus tard, Du Perron est fait cardinal et il est nommé archevêque de Sens (à l'époque archevêché le plus important de France), devenant ainsi grand aumônier de France, Primat des Gaules et de la Germanie , pour avoir contribué à rétablir la paix entre le Saint Siège et les Vénitiens.
Il meurt en 1618 du ''mal italien'', la vérole rapportée de Rome, ce qui peut mettre en doute les convictions religieuses du cardinal.
Pour terminer le portait de Du Perron, rapportons deux anecdotes lues dans les Historiettes de Tallemant des Réaux.
“Un jour Du Perron fit un discours devant Henri III pour prouver qu'il y avait un Dieu et, après l’avoir
fait, il offrit de prouver, par un autre discours, qu'il n' y en avait point. Le roi le chassa de la cour . ’’
La 2ème anecdote est plus tragique.“Du Perron est fort colère et fort vindicatif. En un cabaret il prit querelle avec un homme, et quelque temps après ayant rencontré ce même homme, il le fit tenir par trois ou quatre autres qu'il avait avec lui, et le poignarda. Du Perron se sortit d’affaire en versant 2000 écus à la famille du défunt’’.
Assassin, poète, diplomate, cardinal douteux, faiseur de Papes, érudit pourvu d'un grand esprit, Du Perron a été toute sa vie le protecteur des hommes savants dont son jeune ami Clément Demangin.


Demangin , médecin, poète et linguiste
Du Perron se rend souvent à Rome et emmène fréquemment Demangin avec lui, celui-ci en profite pour se rendre à Bologne, à l’université, une des plus prestigieuses de l'époque. Il y reçoit son diplôme de docteur en médecine en 1600 sans qu'il lui en coûte un sou. Honneur d'autant plus à estimer qu'il est très rare et qu'on ne le fait qu'aux personnes aux capacités extraordinaires. Demangin est répertorié, dans l’Encyclopédie médicale de Raige, Delorme années 1864-1888 , il est classé comme poète et médecin, ayant paraît-il, exercé à Paris.
Entre ses voyages en Italie avec Du Perron, il court toute la France, l 'Allemagne, la Hollande et la Pologne.
A Paris, Du Perron entraîne Demangin dans les salons où ils envoûtent tous les célèbres hébraïsants par leur érudition. Il est aisé de les imaginer à l’Hôtel de Rambouillet, chez Arthénice, Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet, première des célèbres “Précieuses”, où l’allégorie est la langue des poètes, des romanciers et des grands seigneurs, qu’elle reçoit dans la “ruelle” de sa “chambre bleue”, sur un pied d’égalité momentané.
Bel homme pourvu de beaucoup de charisme, Demangin écrit de magnifiques poèmes qui, par manque de moyens, ne seront jamais publiés. Son contemporain, François de Malherbe, disait que “ le poète n’est pas plus utile à l’état qu’un joueur de quilles !” L’œuvre poétique de Demangin est-elle précieuse ou classique ? Jacques Guijon, écrivain bourguignon vante ses poèmes et lui donne le surnom d’Apollo trilinguis (Apollon aux 3 langues) pour sa connaissance des langues hébraïque, grecque et latine. Ce surnom lui est resté.
Si des oeuvres littéraires de Demangin, il ne nous reste rien, en revanche de ses oeuvres scientifiques nombre d’ouvrages ont été numérisés, en particulier à la Bibliothèque Nationale, les 5 tomes des Cours mathématiques de Pierre Hérigone publiés de 1632 à 1637 . On retrouve le 6ème tome, publié en 1642, à la bibliothèque du Michigan (USA). Ces six ouvrages publiés durant les dix dernières années de sa vie sont en latin et en français et constituent un document de 3500 pages.
C’est ce que nous allons analyser succinctement dans les paragraphes suivants en les traitant dans le cadre scientifique et historique de l’époque.


Demangin Géographe , confronté à l'épreuve des longitudes
Au début du 17ème siècle, le calcul des latitudes est résolu depuis longtemps car il suffit de mesurer la hauteur maximale du soleil (midi solaire) au-dessus de l’horizon et d’utiliser des tables déjà construites sous l’antiquité pour déduire la latitude. En revanche, le calcul des longitudes est beaucoup plus complexe, c’est pourquoi, aucune méthode simple, fiable et rapide n’ a encore été trouvée à cette époque. Ce calcul est d'autant plus crucial que beaucoup de bateaux, par mauvais temps ou brouillard, s'échouent faute de mesures précises. Il arrive aussi que la même île soit découverte plusieurs fois car mal positionnée sur les cartes.

Ainsi, tout homme capable de trouver une méthode pour résoudre ce problème était assuré de devenir riche et célèbre.
L'astronome et astrologue Morin* propose en 1634 une solution déjà connue en utilisant la position relative de la lune par rapport aux étoiles. Cependant il la perfectionne en utilisant de meilleurs instruments de visée et une meilleure prise en compte de la parallaxe lunaire. Devant une telle découverte, le cardinal Richelieu envisage de donner une récompense à Morin mais, méfiant, il nomme une commission pour évaluer ses travaux. Ce comité est composé de cinq experts: Etienne Pascal**, Claude Mydorge, Beaugrand, Boulenger et Clément Demangin. Ces cinq experts critiquent avec raison la méthode de Morin en disant qu'elle n'est pas praticable et peu précise. Furieux, Morin s'en prend principalement à Demangin, qu'il considère pourtant comme le plus savant mathématicien du groupe (Lettres écrites au Sieur Morin et réponse à Hérigogne, pages 44 à 54). Cette controverse dure cinq ans et finalement le cardinal Mazarin, successeur de Richelieu qui n'est pas avare avec l'argent des autres, accorde une pension de 2000 livres à Morin.

Mais que dit Demangin? Dans son tome IV des Cours mathématiques, consacré entièrement à la cosmographie et à la géographie, au chapitre “art de naviguer” pages 492-497, Demangin démonte point par point la méthode Morin et donne cinq causes d' erreurs: la distance terre lune qui n'est pas constante, les multiples observations qu'il faut faire simultanément, les réfractions dues à l'atmosphère... et il donne sa propre méthode qui est basée plus sur le calcul que sur l'observation. Mieux, dans son tome 5 des Cours mathématiques pages 857 à 859, il donne une nouvelle méthode en utilisant les 4 gros satellites de Jupiter découverts par Galilée, et leurs occultations comme une horloge fiable. Cette méthode est en avance sur son temps car il n'y avait pas de télescope perfectionné.
Trente ans plus tard , la méthode Galilée-Demangin est utilisée par le célèbre astronome Cassini, pour retracer les côtes de la France, et par Richer qui donne la position de Cayenne à moins de 3' de sa valeur exacte. Mais cette méthode est abandonnée car il faut un temps favorable et de bonnes lunettes difficiles à utiliser sur un bateau soumis au roulis ou au tangage. Il faut donc encore attendre un siècle pour qu'en 1736, un menuisier et horloger anglais, John Harrisson, habitant d'un petit village à 250 km de Londres, chercheur passionné, invente un véritable chronomètre de marine en bois, pour résoudre le problème. Il sera d'ailleurs récompensé en 1745 par la Royal Society qui lui décerne sa plus haute récompense, la médaille Copley.
* Jean Baptiste Morin naît à Villefranche-sur-Saône en 1583 . Astronome borné, il condamne jusqu’à sa mort en 1656, les théories de Copernic et Kepler. Plus connu comme astrologue il publie à la fin de sa vie une oeuvre monumentale l’astrologia Gallica composée de 26 livres.
Il essayera sans succès de se faire nommer astrologue royal à la cour du tout jeune Louis XIV.
Avec un tel cursus, cela explique les différends qui ont pu exister entre Morin et Demangin (voir le paragraphe Demangin et l’astrologie).
**Etienne Pascal est le père de Blaise. Blaise est considéré comme un enfant précoce. D'après sa sœur il aurait réinventé toute la géométrie d'Euclide à l'âge de 12 ans. Je pense plutôt que Blaise baigne dans un milieu d'éminents mathématiciens que fréquente son père, dont Demangin qui publie en 1634 les 15 livres d'Euclide alors que le jeune Blaise a 11 ans.
Quelques uns vont même dire que Blaise était l’élève de Demangin. De plus , on attribue à tort à Blaise le fameux triangle appelé triangle de Pascal bien connu de tous les lycéens. Ce triangle, publié en 1654 donne les coefficients du développement du binôme (a+b^n . Or dans le tome 2, chapitre III, algèbre page 17, des Cours mathématiques, Demangin publie, 20 ans avant, ce même fameux triangle qu'il a sans doute emprunté à d'autres mathématiciens plus anciens. Cela n'enlève en rien sa valeur à Blaise Pascal, et il restera un des plus grands savants que la France ait connu.

Demangin Mathématicien
Sous son pseudonyme de Pierre Hérigone, Demangin laisse une oeuvre impressionnante.
- Il est le premier à traduire les 15 livres d'Euclide en français en les enrichissant de nombreuses
figures et commentaires. Un colloque s’est déroulé en juin 2007 au CNRS de Tours sur l’algèbrisation du livre X d’Euclide, de Pierre Hérigone, par Maria-Rosa Massa-Esteve de l’université polytechnique de Barcelone.

- Il améliore le compas de proportion, ancêtre de la règle à calcul qui depuis a été remplacée par la calculette: Usage du compas de proportion publié en 1618.
- Il introduit en France les logarithmes inventés par l'écossais Neper. Il donne les logarithmes des 1000 premiers nombres, avec une précision de 10 décimales, tome III des Cours mathématiques, afin de simplifier les calculs en astronomie et en navigation.
- Il invente un langage mathématique très ingénieux, à vocation internationale, fait de symboles qui en permettent la compréhension sans l'usage d'aucune langue. Il l'utilise dans ses 6 tomes des Cours mathématiques pour ses démonstrations aussi bien en astronomie, en physique, qu’en mathématique, rendant ses exposés beaucoup plus clairs et concis. Hélas son écriture symbolique n'aura pas de postérité


Cependant plus de 350 années plus tard, cette écriture allait intéresser nos contemporains; Lors du 17ème colloque inter IREM d’épistémologie de Nancy, Jean-Paul et Jacqueline Guichard ont fait en mai 2008, un exposé sur l’écriture symbolique d’Hérigone.
- Il crée une mnémotechnique très amusante qui consiste à relier un son à un chiffre. Toujours utilisable de nos jours, très pratique pour retenir nos numéros de téléphones ou mots de passe. Il donne beaucoup d'exemples (page 137 tome II).
Cette mnémotechnique est reprise par les anglo-saxons sous le nom de : Herigone’s Mnemonic System. Pour mieux adapter cette technique à la langue anglaise, les correspondances entre les phonèmes et les chiffres sont modifiées.
- Il développe une géométrie pratique qui permet de résoudre beaucoup de problèmes concrets, par exemple mesurer la hauteur d'une tour inaccessible et donner la distance qui nous en sépare, ou mesurer la largeur d'une rivière sans la traverser en utilisant 4 bâtons fichés en terre (pages 126 et133 tome III).
- Dans son traité d'algèbre tomes II et VI, Demangin donne des méthodes pour la résolution des équations du 2ème et 3ème degrés. Ses résolutions sont compliquées et ‘’tordues’’, manifestement il ne connaît pas les travaux des mathématiciens italiens Niccolo Tartaglia 1499-1558 et Jérôme Cardan 1501-1576 qui avaient trouvé les solutions générales au milieu du 16ème siècle pour le 3ème degré ; quant aux équations du 2ème degré, les solutions furent trouvées bien avant. En revanche, Demangin trouve une belle solution générale sur la somme des cubes (Algèbre, chapitre 5, page 217, tome II) qui fut copiée ou réinventée par le mathématicien suisse Euler un siècle plus tard.


Demangin et l’astrologie
Jusqu’au 17ème siècle, les astronomes sont avant tout astrologues, c’est leur gagne-pain. Même les plus grands astronomes contemporains de Demangin, comme Tycho Brahe et Kepler, n’échappent pas à cette règle. Demangin est un des premiers astronomes à réfuter vigoureusement cette pseudo-science: l’astrologie.
Dans sa préface du tomeV des Cours mathématiques, adressée à François de la Bassompierre, Maréchal de France, Demangin refuse de développer ce sujet pour ne pas dénaturer son livre fait entièrement “de démonstrations infaillibles et non de faibles conjectures”. Il critique ''les Princes peu au courant des sciences, accordant aux astrologues les ressources nécessaires à leur travaux”. Il ajoute: “ Le désir de savoir les choses à venir est une ancienne maladie de l’esprit humain et les Grands se plaisent d’entendre que leurs destinées sont écrites dans le ciel et que les astres veillent sur leurs fortunes”
Il faut un sacré courage pour tenir, à cette époque, de tels propos. C’est certain Demangin ne deviendra jamais riche.

Demangin Astronome, confronté à la terre immobile ou mobile
Inscrit comme astronome à l'Observatoire de Paris sous le nom de Petrus Hérigonius, Demangin, dans ses Cours mathématiques, tome V, publie en l'an 1637, un traité sur la gnomonique, calcul des cadrans solaires, illustré de figures très détaillées (pages 682 à 801). Il développe aussi une théorie très complète sur les planètes en faisant 2 hypothèses: la terre immobile décrite la première fois par le savant grec Ptolémée et la terre mobile inventée par Copernic

Si le rayon de la lune et la distance terre lune sont bien estimés (page 572), il se trompe d'un facteur 7,5 sur la distance et le rayon du soleil (page 571).
Il estime qu'il est impossible de prouver par démonstration géométrique que la terre est au centre du firmament ou mobile (page 614). Il prend cependant position contre Copernic, l'inventeur de l'héliocentrisme pour, entre autres, ne pas désavouer les Saintes Ecritures (page 642). Il indique pourtant à la fin de son chapitre Lib II du tome V des Cours mathématiques, que les anciens astronomes niaient la sphéricité de la terre, alors que le contraire a été prouvé par la découverte du nouveau monde. Et il termine par la phrase suivante: ''d'où il apparaît que les choses de l'astronomie sans contrevenir à l'autorité de la Sainte Ecriture doivent être examinées par l'astronomie même'' (page 629).

Demangin, à cette époque, avait-il peur d'être menacé par les autorités religieuses? Celles-ci avaient obligé Galilée, en 1633, à réfuter la théorie de Copernic sous peine du bûcher comme le subit son compatriote Giordano Bruno en 1600. Il faut dire que Bruno va bien plus loin en avançant cette intuition géniale : les étoiles sont d'autres soleils très éloignés de notre système, autour desquels tournent des planètes contenant des mondes habités.
En tout cas dans son tome VI des Cours mathématiques paru 5 ans plus tard, Demangin, en homme intelligent et courageux, reconnaît une à une ses erreurs (pages 141- 142) et il est un des premiers astronomes français à adhérer complètement à la théorie de Kepler qu'il considère comme le plus savant astronome de son temps (page138). Kepler 1571- 1630, qui est un Copernicien de la première heure, donne trois lois fondamentales sur les mouvements des planètes. Entre autres, il promulgue sa première loi qui dit que les orbites des planètes décrivent des ellipses dont le soleil occupe l'un des foyers.
Demangin expose les détails de ces trois lois et utilise celles-ci pour calculer les éphémérides, c’est à dire les tables des positions des planètes en fonction des dates (pages 149 à 153), les levers et couchers du soleil en fonction de la date et de la latitude (pages 155 à 158).
Reconnu par ses pairs comme un astronome éminent, Clément Cyriaque Demangin a l'honneur, réservé à une centaine de français seulement, d'avoir un cratère à son pseudonyme d'astronome Herigonius sur la face visible de la lune, avec 5 plus petits nommés Hérigonius E, F, G, H, K .
Source: virtual moon atlas www. astroclub.com.

Demangin Physicien
Au temps de Demangin, la physique se cantonne essentiellement à la chute des corps, la mécanique statique et l’optique. Demangin s’intéresse aux 2 dernières disciplines.
A la fin du tome III des Cours mathématiques il consacre un exposé de 150 pages à la mécanique statique. Mais ses travaux les plus remarquables en physique, concernent l’optique: ils sont développés dans le tome V des Cours Mathématiques, en voici quelques exemples:

Dans le chapitre la catoptrique (étude de la réflexion de la lumière sur les surfaces), il imagine (page 120), le four solaire à l’aide un miroir concave qui concentre tous les rayons lumineux en un seul point. En utilisant un miroir hémisphèrique, Demangin situe le point chaud à ¼ du diamètre au-dessus du fond du miroir.
Dans son traité de la dioptrique* pages 140 à 143, Demangin construit une géométrie pour trouver la forme idéale que doit présenter une lentille convexe. Cette nouvelle lentille permet de faire converger parfaitement les rayons lumineux parallèles en un seul point. Il préconise d’ utililiser ces lentilles dans les lunettes astronomiques pour les rendre plus performantes ( page 860).
*Dioptrique : Etude qui détermine les directions que prennent les rayons après avoir subi une ou plusieurs réfractions.
Il invente un dispositif très ingénieux composé d’un miroir concave, faisant office de réflecteur, d’une lentille convexe concentrant les rayons lumineux en un faisceau parallèle et, placée judicieusement entre les deux, d’une source lumineuse afin d’éclairer très loin la nuit. Le concept du phare et du projecteur est né (page 156).
Toujours, dans son traité sur la dioptrique, Demangin étudie les réfractions, notamment le fameux problème du bâton qui semble cassé à la surface de l’eau. Demangin (page 132) a l’intuition que les rayons incidents et réfractés sont fonction des sinus de leurs angles avec la verticale. René Descartes, 1596-1650, reformalise sa loi d’une façon plus claire en ajoutant la notion fondamentale d’indice de réfraction et publie la formule la plus connue en optique: sin(I) = n sin(R).
Les physiciens ayant trouvé comment les rayons dévient ou réfractent, il faut savoir pourquoi. Deux théories sont en présence, celle de Képler qui explique: s’il y a déviation des rayons, c’est que l’eau et le verre résistent plus au mouvement des rayons que l’air, celle de Descartes qui donne la même raison mais en soutenant à tort que c’est l’eau et le verre qui résistent moins aux mouvements des rayons. Demangin termine ses 3500 pages des Cours Mathématiques par un concept totalement inédit et génial. Dans le tome VI pages 283 et 284, il reprend les théories des deux savants mais ajoute sa propre version que l’on peut qualifier de révolutionnaire: les rayons sont composés d’une infinité de petites sphères qui s’entresuivent et sont plus ralenties dans les milieux denses comme le verre et l’eau que dans l’air. Demangin vient d’inventer la notion de grains de lumière appelés plus tard “photons”. Cette idée fut complètement ignorée des physiciens pendant 263 ans. Il faut attendre le début du 20ème siècle, dans la physique quantique naissante, pour qu’Einstein, en 1905, réintroduise le concept de photons afin d’expliquer l’effet photoélectrique. Il reçut pour cela le prix Nobel de physique en 1921.

En conclusion, une constante remarquable chez Demangin est son obsession de tout mettre en équation. En esprit scientifique, il comprend que pour faire avancer la physique et l’astronomie, il faut un outil essentiel: les mathématiques.
Pour formaliser ses théories, il invente donc un language symbolique universel.
Jamais il ne déroge à cette règle et refuse, contrairement à beaucoup de savants de son temps, de cautionner des pseudo-sciences très prisées à l’époque: l’astrologie et l’alchimie.
L’avenir lui donnera raison, en effet toutes les révolutions de la physique et de l’astronomie se firent grâce aux avancées des mathématiques.
Médecin, Linguiste, Poète, Géographe, Mathématicien, Astronome, Physicien Clément Cyriaque Demangin, homme éclectique par excellence, participa au même titre que Copernic, Kepler, Galilée, Descartes, Pascal et quelques autres à la formidable aventure des débuts de la science moderne et il reste sans nul doute un des plus grands génies bourguignons!

Les plus grands scientifiques contemporains de Demangin:
Les mathématiciens: François VIETE 1540-1603 français ; John NEPER 1560-1617 écossais; Marin MERSENNE 1588-1648 français; Pierre FERMAT 1601-1665 français.
Les physiciens: René DESCARTES 1596-1650 français; Evangélista TORICELLI 1608-1647 italien.
Les Astronomes: Tycho BRAHE 1546-1601 danois; Galileo GALILEE 1564-1642 italien; Johannes KEPLER 1571- 1630 allemand ; Pierre GASSENDI 1592-1655 français.
Le chirurgien, médecin: Amboise PARE 1509-1590 français
Les grands écrivains, poètes, musiciens, peintres, contemporains de Demangin:
Michel de MONTAIGNE 1523-1592 français; Pierre de RONSARD 1524-1585 français; PONTUS de TYARD 1525-1605 français; Agrippa D’AUBIGNE 1552-1630 français, François de MALHERBE 1555-1628 français, Pierre CORNEILLE 1606-1684 français.
William SHAKESPEARE 1564-1616 anglais ; Miguel CERVANTES 1547-1616 espagnol.
Les musiciens : Claudio MONTEVERDI 1567-1643 italien ; Girolamo FRESCOBALDI 1583-1643 italien ; William GIBBONS 1540-1595 anglais .
Les peintres : Pierre-Paul RUBENS 1577-1640 hollandais ; Nicolas POUSSIN 1594-1665 français ; Antoine LE NAIN 1585-1648 français ; Diego VELASQUEZ 1599-1660 espagnol.
Les rois de France au temps de Demangin :
Charles IX roi de 1560 -1574, Henri III roi de 1574-1589, Henri IV roi de 1589 -1610, Louis XIII roi de 1610-1643

Bibliographie:
- Manuscrit de Julien Crépet 1902, mairie de Gigny-sur-Saône.
- Les Historiettes de Tallemant des Réaux, 1657.
- Encyclopédie médicale de Raige-Delorme- A Dechambre, 1864.
- Compas de proportion d’Henrion 1618
- Les 15 livres d’Euclide d’ Henrion 1632
- Lettres à Mr Morin et réponse à Herigone de Morin 1633
- Cours mathématiques d’Herigone Tome I 1634, Tome II 1634, Tome III 1634, Tome IV 1634,Tome V 1637.
- Suppléments Cours mathématiques d’Hérigone ou Tome VI 1642.
Maurice Blondot
Place Demangin
71240 Gigny sur Saône
Août 2008
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